- EAN13
- 9791094791189
- ISBN
- 979-10-94791-18-9
- Éditeur
- SOLANHETS
- Date de publication
- 26/02/2019
- Nombre de pages
- 201
- Dimensions
- 21 x 14,8 x 1,5 cm
- Poids
- 270 g
- Langue
- français
- Langue d'origine
- galicien
- Fiches UNIMARC
- S'identifier
Extrait
Derrière le comptoir, où travaillaient toujours trois ou quatre personnes, il n’y en a qu’une aujourd’hui, Nieves, l’ancienne gérante, avec son allure immuable de femme charmante et un peu triste, comme délaissée. Dès qu’elle reconnaît Alegría, elle s’avance pour l’embrasser, surprise et heureuse. Doña Adela, aussi élégante qu’à l’accoutumée, franchit à cet instant la porte pour entamer ses tâches du matin. Elle salue avec effusion les deux sœurs et les invite aussitôt à passer dans son petit bureau de l’arrière-boutique.
– Ma foi, cela me fait vraiment plaisir de te voir, ma fille ! Et tu es très en beauté, en plus. Plus mince, mais très belle. C’est sûr que, minces, nous le sommes toutes, avec cette faim qu’il faut endurer…
– Mais vous avez une très bonne mine, Doña Adela.
– C’est vrai, je ne peux pas me plaindre… La période a été mauvaise, mais chez moi en tout cas il n’y a pas eu le moindre malheur, nous avons eu beaucoup de chance, grâce à Dieu. Et la droguerie… eh bien, comme tu vois, on se maintient. Et toi, ma fille, quelles sont les nouvelles ? Comment vont tes parents ?
– Mon père est décédé, mais maman va bien, merci.
– Dis-lui que je lui présente mes condoléances, personne ne sait ce que cela signifie de se trouver veuve avant de vivre cette situation… – et Doña Adela songe un instant au sentiment de libération qu’elle avait éprouvé quand son mari était mort, ce fardeau d’Antonio, et elle a envie de sourire mais son visage, tellement habitué à dissimuler, conserve une expression affligée. – Eh bien, ma fille, c’est dit, tu peux compter sur moi si besoin.
– Merci, Doña Adela. Je… je voulais vous demander si je pourrais de nouveau travailler ici.
La femme la regarde avec surprise. Elle ne paraissait pas s’attendre à une demande pareille, qui la met dans l’embarras. Mais elle a l’habitude de résoudre rapidement les conflits, et elle réagit aussitôt :
– Est-ce que tu as le certificat d’adhésion au Mouvement National ?
Alegría pâlit.
– Non.
– Alors, sans cela, je ne peux pas te donner de travail, ma fille… Je n’ai rien contre toi, c’est même le contraire, tu sais que j’ai toujours été très satisfaite de toi, mais les choses sont difficiles aujourd’hui pour tout le monde, et je ne dois pas courir le risque de me fourrer dans le pétrin pour une bêtise de ce genre. Si tu obtiens le certificat et que le poste est encore libre, il sera pour toi.
Alegría se tait. María Luisa en revanche, comme à son habitude, ne peut s’empêcher de rétorquer :
– Vous savez parfaitement qu’elle ne va pas l’obtenir, Doña Adela, vous le savez très bien.
Derrière le comptoir, où travaillaient toujours trois ou quatre personnes, il n’y en a qu’une aujourd’hui, Nieves, l’ancienne gérante, avec son allure immuable de femme charmante et un peu triste, comme délaissée. Dès qu’elle reconnaît Alegría, elle s’avance pour l’embrasser, surprise et heureuse. Doña Adela, aussi élégante qu’à l’accoutumée, franchit à cet instant la porte pour entamer ses tâches du matin. Elle salue avec effusion les deux sœurs et les invite aussitôt à passer dans son petit bureau de l’arrière-boutique.
– Ma foi, cela me fait vraiment plaisir de te voir, ma fille ! Et tu es très en beauté, en plus. Plus mince, mais très belle. C’est sûr que, minces, nous le sommes toutes, avec cette faim qu’il faut endurer…
– Mais vous avez une très bonne mine, Doña Adela.
– C’est vrai, je ne peux pas me plaindre… La période a été mauvaise, mais chez moi en tout cas il n’y a pas eu le moindre malheur, nous avons eu beaucoup de chance, grâce à Dieu. Et la droguerie… eh bien, comme tu vois, on se maintient. Et toi, ma fille, quelles sont les nouvelles ? Comment vont tes parents ?
– Mon père est décédé, mais maman va bien, merci.
– Dis-lui que je lui présente mes condoléances, personne ne sait ce que cela signifie de se trouver veuve avant de vivre cette situation… – et Doña Adela songe un instant au sentiment de libération qu’elle avait éprouvé quand son mari était mort, ce fardeau d’Antonio, et elle a envie de sourire mais son visage, tellement habitué à dissimuler, conserve une expression affligée. – Eh bien, ma fille, c’est dit, tu peux compter sur moi si besoin.
– Merci, Doña Adela. Je… je voulais vous demander si je pourrais de nouveau travailler ici.
La femme la regarde avec surprise. Elle ne paraissait pas s’attendre à une demande pareille, qui la met dans l’embarras. Mais elle a l’habitude de résoudre rapidement les conflits, et elle réagit aussitôt :
– Est-ce que tu as le certificat d’adhésion au Mouvement National ?
Alegría pâlit.
– Non.
– Alors, sans cela, je ne peux pas te donner de travail, ma fille… Je n’ai rien contre toi, c’est même le contraire, tu sais que j’ai toujours été très satisfaite de toi, mais les choses sont difficiles aujourd’hui pour tout le monde, et je ne dois pas courir le risque de me fourrer dans le pétrin pour une bêtise de ce genre. Si tu obtiens le certificat et que le poste est encore libre, il sera pour toi.
Alegría se tait. María Luisa en revanche, comme à son habitude, ne peut s’empêcher de rétorquer :
– Vous savez parfaitement qu’elle ne va pas l’obtenir, Doña Adela, vous le savez très bien.
Commentaires des lecteurs
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