VINYLE, FACE B, Roman

Françoise Moreau

Diabase

  • Conseillé par
    2 février 2023

    Début des années 1960, Robertine Davy, onze ans entre au pensionnat des sœurs avec l'objectif de décrocher le bac. Comme beaucoup de jeunes filles de familles modestes -ou de jeunes garçons qui se dirigeaient eux, vers le séminaire-, la communauté religieuse paie une partie des études contre la promesse d'enseigner dix ans dans les écoles de la congrégation.

    Elle va devoir avec ses camarades se confronter à la discipline, la rigueur et la morale. Mais les filles trouveront des astuces pour les contourner voire les contester, dans ces années où à l'extérieur, le monde change.

    "Ma-Chère-Sœur pousse contrat et stylo-encre vers "notre grande fille". Sous la mention Fait à..., le 23 Septembre 1963, Robertine Davy, onze ans, signe avec application, un engagement de dix-sept années. Dont sept de réclusion ferme." (p.13) La suite du livre, c'est l'oppression ressentie à la fermeture des grandes grilles, entourée de hauts murs hérissés de tessons de bouteilles. Puis la découverte de la chambre et des filles qui la partagent. Puis les sept années d'enseignement strict, de surveillance renforcée -même le courrier est lu par la responsable du pensionnat, officiellement Ma-Chère-Sœur et officieusement La colonelle. Mais ce sont aussi des amitiés qui se créent, des liens forts et nécessaires pour supporter.

    Dans une écriture épurée, poétique, Françoise Moreau raconte la vie des ces jeunes filles éloignées des tumultes du monde extérieur, qui verront cependant les conditions s'alléger un peu après Mai 68. De onze à dix-huit ans, elles vont découvrir la puberté, les premiers émois amoureux pour tel ou tel garçon entrevu. Le roman est rythmé par les chansons des années 60, essentiellement celles des artistes français : Brassens ou Léo Ferré (pas vraiment conseillées par les sœurs), Brel (ça dépend des chansons), et bien sûr les jeunes qui débutent, le rock, les yéyés... Cela donne un petit air de nostalgie et de légèreté, renforcée par un ton parfois acide, ironique sur les préceptes du pensionnat, les attitudes distantes des sœurs enseignantes.

    Les connaisseurs de la région nantaise, région dans laquelle vit l'autrice -et moi aussi- reconnaîtront des noms de famille des coreligionnaires de Robertine empruntés à des communes proches. Bref, un très beau court roman.